Bonne nouvelle, les réseaux sociaux ne sont plus vus comme des parias en entreprise. Ils partaient pourtant de loin : « Perte de contrôle, far west juridique, usage futile, perte de temps… Il y a encore deux ans, tout était bon pour accabler les réseaux sociaux », rappelle Loïc Poujol, responsable des médias sociaux chez OpenBridge.
Aujourd’hui, ils suscitent un engouement fort. Le marché a mûri et les retours d’expérience se multiplient suite aux premiers grands déploiements. Même si la perception a changé, beaucoup de questions demeurent sur leur adoption. Ce point a été l’objet d’un long débat le 12 octobre à la Cantine avec les regards croisés de cinq spécialistes de Yoolink, OpenBridge, Spectrum Groupe et SQLI.
Les réseaux sociaux ont conquis leur notoriété d’abord dans le domaine grand public. « Facebook est une référence lorsqu’on conçoit des réseaux sociaux d’entreprise, et il ne faut pas en avoir honte », insiste Güven Urganci, ergonome chez Yoolink. Car les outils web 2.0 sont une mine d’or en termes d’usages et de fonctionnalités.
Mais l’ergonome fait face à une double contrainte : il doit fournir des outils puissants aux utilisateurs actifs qui produisent l’essentiel des contributions, tout en conservant une interface claire et lisible pour le commun des utilisateurs.
Pour autant, une interface simple n’est pas synonyme d’adoption automatique. « Il y a une vraie rupture dans les usages car, à la différence du mail, on ne sait pas précisément qui sont les destinataires, notamment dans sa hiérarchie », souligne Sunny Paris, le président de Yoolink.
Sunny Paris, fondateur et PDG de Yoolink, préconise la mise en place de routines sociales pour inciter les utilisateurs à alimenter les flux d'activité. |
Selon lui, cette crainte légitime de s’exposer peut être contournée en valorisant l’initiative, en faisant confiance et en instaurant des routines sociales – veille partagée, brefs comptes-rendus de rendez-vous commerciaux, etc. – qui insèrent le RSE dans le travail quotidien. Encore faut-il que la culture d’entreprise s’y prête. Une telle approche est évidemment antinomique avec un management par la peur.
Cette rupture dans les usages impose un véritable accompagnement au changement. « Il faut combattre l’idée qu’un projet web 2.0 est un projet low cost », insiste Ali Ouni, fondateur et directeur de Spectrum Groupe (une émanation de Kap IT). Il ne faut lésiner ni sur le temps, ni sur les compétences à réunir. Paradoxalement, alors que tout le monde s’accorde à dire que l’outil n’est pas l’essentiel, davantage de moyens sont investis dans le choix et le déploiement de l’outil que dans l’accompagnement des utilisateurs.
Loïc Poujol, d’OpenBridge, évoque, pour sa part, trois scénarios négatifs d’adoption des réseaux sociaux : la fuite (porosité de l’information), le désert (les utilisateurs n’ont rien à se dire), la déferlante (trop d’énergie, un cas cependant bien rare). Ils dessinent en creux le scénario idéal, celui d’une nouvelle énergie bien canalisée et maitrisée.
Un tel scénario implique de respecter quatre grands principes : contextualiser et professionnaliser le RSE en le rattachant à une fonction ou un axe stratégique de l’entreprise, s’inspirer des usages grands publics mais s’émanciper de leurs outils, maintenir l’évolutivité du RSE et, surtout, bannir la politique de la chaise vide : il faut clairement annoncer la stratégie et énoncer les règles.
Les entreprises ont différentes options pour assurer une adoption progressive et maitrisée du RSE. Elles peuvent adopter la technique des « petits pas », c'est-à-dire tester sur un projet l’utilité d’applications socialisées et décider de généraliser ou pas.
Une alternative, celle dite des « éclaireurs », est d’expérimenter un grand panel de fonctions sociales sur une population sélectionnée. Enfin, la stratégie de « montée en puissance » consiste à penser loin mais en commençant modeste et en associant progressivement l’ensemble de l’entreprise au projet.
« Le réseau social permet de créer du lien, d’accord, mais comment faire en sorte que ces liens soient forts et durables ? », interroge Christophe Gazeau, consultant chez SQLI Agency. « Nous avons la conviction que la réponse passe par l’articulation entre le RSE et les communautés, chacun venant dynamiser l’autre », explique-t-il.
Dans cette démarche, la stratégie d’adoption se base sur les typologies de communautés existant dans l’entreprise. Certaines sont imposées (communautés permanentes et communautés de projets) et d’autres davantage basées sur l’adhésion (communautés de pratiques et communautés d’intérêt).
Cartographier les communautés existantes ou manquantes et s’interroger sur les attentes et les besoins de chacune d’elles est un moyen d’analyser clairement les raisons qu’ont des individus de rentrer en relation avec d’autres.
Cela permet de donner une direction claire à l’animateur et d’affiner la stratégie de recrutements des membres. Le réseau social remplit alors bien son rôle de créer un lien fort entre des groupes de personnes et la dynamique des communautés vient en retour pérenniser son succès.