« L’intelligence économique doit être repensée dans une perspective dynamique qui avance aujourd’hui selon les principes du partage et de la collaboration. » C’est le message adressé par l’Assemblée parlementaire de la francophonie lors de sa XXVIe assemblée, tenue à Dakar au Sénégal, du 6 au 8 juillet dernier. Une résolution a été adoptée qui invite notamment « les pays (membres) à s’appuyer sur la force du réseau que constitue la Francophonie pour partager l’information, faciliter la coopération et la recherche dans les pays membres, développer l’intelligence collective ».
C’est à la suite d’un rapport sur l’intelligence économique présenté par la Commission de la coopération et du développement que les parlementaires ont adopté cette résolution pour interpeller leurs gouvernements et les secteurs privés et publics de leurs pays, afin de redéfinir la coopération au sein l’espace francophone. Non pas basée sur une intelligence économique qui se bornerait uniquement à l’analyse des marchés et des concurrents, mais qui tienne compte de l’altérité culturelle et des disparités des environnements et des degrés de développement économique pour asseoir un espace de développement plus équitable au service des peuples qu’il regroupe.
« Sur l'échiquier international,
la force appartient à ceux qui s'appuient
sur un réseau »
Jean-Pierre Dufau,député-maire de Capbreton, membre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie
« La France dispose avec la francophonie d’un espace d’influence non négligeable dans un monde souvent dominé par le modèle anglo-saxon et l’usage de l’anglais des affaires », souligne Jean-Pierre Dufau, député-maire de Capbreton dans les Landes et rapporteur de la Commission. L’objectif est donc aussi d’organiser un espace économique puissant face à l’exacerbation de la concurrence mondiale. L’organisation parlementaire regroupe en effet les représentants de 77 pays et organisations interparlementaires répartis sur les cinq continents. Plus de 200 millions de personnes dans le monde ont le français en partage.
Le rapport révèle la diversité des stratégies et des dispositifs d’intelligence économique des trois pays les plus avancés dans ce domaine, la France, le Canada (Québec) et le Maroc. Le rapport, de 31 pages, est d’une concision remarquable. Il constitue une excellente synthèse du développement de l’IE en France en passant en revue ses évolutions depuis la fin des années 80 jusqu’à la mise en œuvre d’une politique globale avec la délégation interministérielle à l’intelligence économique.
La Francophonie regroupe sur les cinq continents plus de 200 millions de personnes ayant le français en partage. |
Au Canada, si le terme d’intelligence économique est usité, on parle davantage de veille stratégique, économique, concurrentielle, technologique, commerciale, etc. La veille s’inscrit dans une optique stratégique de gestion de l’information et des connaissances. Elle exclut les questions de sécurité nationale, de stratégies d’influence ou de « guerre de l’information » qui appartiennent au modèle français.
Le Maroc est certainement le pays le plus emblématique de la diversité des approches avec une stratégie tout à fait originale qui entend aller plus loin que le modèle français et que résume bien Abdelmalek Alaoui, auteur d’un ouvrage récent sur l’IE et entendu par la Commission. Selon lui, la stratégie d’intelligence économique marocaine doit s’appuyer sur une structure nationale pour centraliser l’information stratégique afin d’appuyer les entreprises et dont l’objectif final est de « formaliser le Marocain hybride, qui sache surveiller comme les Chinois, analyser comme les Français et agir comme les Américains. »
Sur l’échiquier international, le rapport considère que la force appartient à ceux qui s’appuient sur les réseaux. Certes, l’entreprise ou toute organisation se doit d’adopter les nouvelles pratiques en interne. Mais l’enjeu principal des années à venir est le maillage des entreprises et des acteurs du développement économique. « Les potentialités en ressources matérielles et humaines de l’espace francophone sont considérables, et ce serait une erreur stratégique pour la France de ne pas engager une politique volontariste d’investissement qui permette la création de ces réseaux d’intelligence collective », prévient Jean-Pierre Dufau.
Entendu par la Commission, le représentant d’Haïti s’est interrogé sur cette idée de « parler d’intelligence économique à des pays dont la priorité en est encore à lutter contre la misère ». « Précisément, réponds Jean-Pierre Dufau. L’intelligence économique est une méthode qui peut permettre à ces pays d’inventer une voie originale pour faire face à cette situation. Si les besoins primaires doivent rester prioritaires, la communication et les nouvelles technologies ne doivent pas être reléguées au dernier plan. L’intelligence économique peut être un outil puissant au service du développement. » C’est tout l’enjeu de cette nouvelle coopération que préconise le rapport de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.
Télécharger le rapport sur l’intelligence économique présenté par la Commission de la coopération et du développement
Lire la résolution de l'Assemblée parlementaire de la francophonie