« Il est temps de sortir tout cela du laboratoire pour le faire entrer dans le salon », déclarait Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, lors du rachat du spécialiste des casques de réalité virtuelle Oculus Rift, en 2014.
Sept ans et une pandémie plus tard, la priorité n'est plus le salon. Le 19 août dernier, la filiale de Facebook a lancé Horizon Workrooms, une solution d'espace de travail en réalité virtuelle, où l'on interagit et collabore via des avatars.
« Nous ne devrions pas avoir besoin d’être physiquement ensemble pour nous sentir présents, pour collaborer ou faire du brainstorming. Je pense que la visioconférence nous a permis d’aller assez loin, mais je ne suis pas très enthousiaste à l’idée de continuer à se contenter de cet outil », déclarait Mark Zuckerberg à l'occasion de ce lancement.
La solution est disponible dans 22 pays, dont la France, gatuitement pour l'instant. Seul impératif, disposer du dernier-né des casques de réalité virtuelle d'Oculus, le Quest 2.
Mais il ne s'agit que d'un premier pas. A terme, l'enjeu est de faire émerger un métaverse, un monde virtuel persistant. « Nous essayons d'aller vers un monde où une grande partie de ce que nous faisons dans la réalité est possible en virtuel », précisait Mark Zuckerberg. Quelques 10 000 employés de Facebook travailleraient aujourd'hui sur la réalité virtuelle et augmentée.
L'usage de la réalité virtuelle pour collaborer reste aujourd'hui marginal. Il s'est notamment développé dans le domaine de la conception assistée par ordinateur, pour collaborer, par exemple, autour de plans d'architecture ou d'objets en 3D.
Mais depuis moins d'une dizaine d'années, plusieurs acteurs ont investi le créneau pour proposer des solutions de collaboration généraliste, autour de cas d'usages comme les réunions, les séances de présentation, la formation.
Spatial, Engage, Glue, Immersed, Interlink… Tous partagent le même credo : miser sur la réalité virtuelle pour retrouver à distance la dynamique du travail en présentiel.
De ce point de vue, l'un des grands enjeux est notamment de reproduire les gestes et les expressions du visage des participants, afin de restituer la dimension communication non verbale.
Mais sur le plan fonctionnel, certains acteurs jouent aussi la carte de l'intégration à l'environnement de travail, pour retrouver dans l'espace virtuel les outils de collaboration en place. Glue, par exemple, se connecte à Microsoft 365, aux outils bureautiques de Google Workspace, à Miro, Mural, Salesforce, Slack, Trello et Jira.
Comme pour la visioconférence, la pandémie a donné un coup de fouet au secteur. Chez Spatial, par exemple, la demande a bondi de 1 000 %. « Elle ne provient désormais plus seulement des grandes compagnies Fortune 1000 comme c’était le cas auparavant. De petites et moyennes entreprises nous contactent », indiquait récemment Anand Agarawala, le patron de la société, qui dispose d'une solution de collaboration à base d'holographie.
Depuis novembre dernier, Interlink, lui, propose ConnectWorld, un campus virtuel justement destiné aux PME, afin qu'elles puissent y établir leur bureau virtuel, y collaborer, accueillir des visiteurs, leur présenter leurs produits.
De son côté, Engage prépare le lancement d'Oasis, prévu en 2022. Un véritable monde virtuel, persistant, dans lequel les entreprises pourront vendre leurs produits et services, organiser des événements (voir la video).
Sur ce terrain du métaverse, les grands travaux ne font cependant que commencer et les acteurs comme Facebook pourraient bien tirer leur épingle du jeu. Bâtir un grand univers 100 % en réalité virtuelle nécessite, en effet, des investissements qui se chiffrent en milliards.
« C'est la raison pour laquelle cet univers persistant, si un jour il devait arriver, viendra probablement d'un Gafam », estime Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'Inseec, dans un article du site LesNumériques. Selon lui, il ne devrait d'ailleurs y avoir place que pour deux ou trois grands univers virtuels.
Quoi qu'il en soit, il sera étonnant que ces mondes se connectent entre eux. Dans le domaine de la collaboration, qu'elle soit généraliste ou spécialisée, les grandes plates-formes ont appris à dialoguer avec moults applications, mais elles ne nous ont pas encore habitués à les voir se parler beaucoup entre elles.