Et si l’entreprise sociale naissait des solutions RH

Il aura suffi que le spécialiste de la gestion des talents SuccessFactors (désormais sous pavillon SAP) annonce une version gratuite de sa plate-forme sociale Jam, la semaine dernière, pour que nombre de commentateurs y voient une offensive contre Chatter, le réseau social d'entreprise (RSE) de Salesforce.

Parmi les tenants de cette vision, l'incontournable analyste et PDG du cabinet Constellation Research, Ray Wang, qui déclarait à nos confrères d'IDG News : « La finalité est que les clients de SAP restent dans la “famille”. Ajoutant : Le terrain des usages sociaux est l'objet d'une véritable bataille entre éditeurs, aucun ne veut s'y faire distancer. »

Il est vrai que, sur ce terrain, Salesforce n'est pas le dernier à venir taquiner les mastodontes tels SAP et Oracle. Avec Chatter, mais aussi en allant jusqu'à proposer aux clients du premier de les délivrer de leur back-office SAP pour édifier, grâce à sa plate-forme Force.com, l'entreprise sociale de leurs rêves. Une stratégie lancée en octobre dernier, à propos de laquelle Mike Rosenbaum, le vice-président de Salesforce, s'était d'ailleurs fendu d'un billet.

Jam, une réponse, mais à qui ?

Une version gratuite de Jam peut-elle pour autant constituer une parade dans la bataille pour outiller les usages sociaux ? Lors du rachat de SuccessFactors par SAP, j'avais moi-même estimé que cela pourrait être l'occasion pour ce dernier de prendre enfin le virage du 2.0 (Lire). Je m'interrogeais alors si cette possible orientation passerait par le rachat d'un acteur du domaine ou se fonderait sur CubeTree, le RSE de SuccessFactors.

Or, même augmenté des fonctions de Social Learning issues de Jambok et rebaptisé Jam, il est peu probable que ce RSE soit, en l'état actuel, en mesure de rivaliser avec des solutions comme Chatter. En second lieu, s'il est toujours amusant d'essayer de prévoir le coup suivant, la version gratuite de Jam vise aujourd'hui avant tout les propres clients de SuccessFactors.

De ce point de vue, que Jam soit orienté Social Learning et, fait important, qu'il soit enfin intégré à BizX, la suite de gestion des talents de SuccessFactors, me semble largement plus significatif. Car, dans le monde de la gestion du capital humain, une autre information est venue ponctuer la fin du mois de mars : le lancement par Saba de la nouvelle version de sa solution Cloud People.

Qu'est-ce que Cloud People ? Ni plus ni moins qu'une plate-forme intégrée d'entreprise sociale combinant gestion de la formation (LMS, Social Learning, etc.), gestion des talents et des évaluations, outils de web conférences, le tout structuré autour d'un réseau social doté entre autres de mécanismes de gamification, de mesure d'influence ou encore de fonctions d'analyse de sentiment. Et, Last but not Least, capable de s'intégrer à des PGI, des CRM, d'autres solutions de ressources humaines, Sharepoint...

Voilà en gros, sur le papier. Autant dire que SuccessFactors va avoir d'autres chats à fouetter sur son propre terrain avant d'essayer, si tel était vraiment son intention, de gagner des clients SAP sur Jam. Même si ce dernier ne constitue qu'une réponse partielle à une solution comme celle de Saba, au moins s'agit-il d'une première réponse, ce qu'il n'est pas forcément par rapport à Chatter.

De nouveaux concurrents à Jive, Chatter et consorts

Mais finalement – car mon propos n'est bien sûr pas de promouvoir une solution contre une autre –, ce qui est frappant dans les réactions au lancement de la version gratuite de Jam, c'est à quel point les débats se déroulent en vase clos, pour ne pas dire en silos.

Qui aurait imaginé, en effet, comparer Jam à Chatter, si SuccessFactors n'était désormais une marque SAP ? De fait, le monde des RSE ou des intranets sociaux connaît en général assez peu ce qui se passe du côté des solutions RH. Que les grands projets de plates-formes sociales soient en majorité impulsés par les directions de la communication ou les DSI explique sans doute en partie cette situation.

Autre raison, la jeunesse des déploiements de solutions de gestion des talents, d'autant que ces dernières n'en sont pas non plus toutes au même point sur la voie de l'intégration des technologies sociales.

Il se pourrait bien néanmoins, ainsi que le suggère l'analyste Josh Bersin sur son blog, que des solutions comme People Cloud de Saba deviennent de sérieuses concurrentes aux Jive, Chatter et consorts, à l'heure où les directions des ressources humaines envisagent de migrer vers des plates-formes de gestion du capital humain de nouvelle génération, capables certes de gérer la formation et les talents, mais aussi de favoriser la collaboration.

Reste un doute, mais d'ordre philosophique : il n'est jamais évident de savoir, avec la gestion des talents, s'il s'agit vraiment de porter un nouveau management favorisant la collaboration, ou tout bonnement de perpétuer l'individualisation. Dans ce dernier cas, l'entreprise sociale qui naîtrait de ces solutions pourrait fort bien ne pas ressembler à celle dont beaucoup rêvent.

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