La visioconférence nuit à l'intelligence collective

L'on savait déjà que l'invasion de la visioconférence dans les modes de travail avec la pandémie n'avait pas pour autant transformé ces derniers pour les rendre vraiment plus collaboratifs, le numérique ne servant généralement qu'à transposer en ligne le fonctionnement habituel.

Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'université américaine Carnegie Mellon, en Pennsylvanie, montre aujourd'hui que la visioconférence serait même défavorable à l'intelligence collective.

Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont réalisé des tests avec 198 personnes. Celles-ci étaient réparties en 99 dyades (groupes de 2 personnes), 49 devant interagir via une communication audio, 50 en visioconférence.

Pour mesurer le développement de l'intelligence collective au cours de ces interactions, chaque dyade devait réaliser, lors d'une session durant environ 30 minutes, six tâches représentatives de processus de travail de groupe : partager des idées, décider, exécuter ou, encore, se souvenir.

L'objectif des chercheurs était de savoir si la synchronisation non verbale, qui joue un rôle essentiel dans le développement de l'intelligence collective dans des face-à-face en présentiel, avait la même importance dans des interactions à distance.

Les recherches actuelles montrent, en effet, que les signaux non verbaux sont plus fiables que les signaux verbaux pour transmettre des messages émotionnels et relationnels et qu'ils sont importants pour réguler le rythme et le flux de communication entre les partenaires en interaction.

Des indices visuels qui entravent la parole

Pour leur test, les chercheurs se sont concentrés sur l'observation de deux types de synchronisation, celle de l'expression faciale et celle des caractéristiques prosodiques de la parole (intonation, rythme, etc.).

Trois grands résultats ont été obtenus. Le premier, surprenant, constate que la synchronisation des expressions faciales n'est pas significativement différente lors d'une interaction audio et d'une visioconférence. Ce qui suggère, selon les chercheurs, que ce type de synchronisation renvoie davantage à une similitude de réactions internes de chaque partenaire, liées à des expériences partagées, qu'à des réactions à leurs expressions faciales.

Second résultat, la synchronisation prosodique était, en revanche, significativement plus élevée chez les dyades en interaction audio, le fait d'être distrait par des indices visuels réduisant cette synchronisation lors d'une visioconférence.

Enfin, le nombre de tours de parole des partenaires ressortait également mieux distribué dans les dyades en interaction audio que dans celles en visioconférence, où un membre d'une dyade dominait la conversation, entravant en conséquence la synchronisation prosodique.

« Nous montrons que, contrairement à la croyance populaire, la présence d'indices visuels n'a étonnamment aucun effet sur l'intelligence collective, concluent les chercheurs. De plus, les équipes sans repères visuels réussissent mieux à synchroniser leurs repères vocaux et leurs tours de parole, et quand elles le font, elles ont un niveau d'intelligence collective plus élevé », ajoutent-ils.

Pour retrouver les conditions favorables à l'intelligence collective du face-à-face en présentiel, mieux vaut donc couper sa caméra. Et c'est aussi meilleur pour la planète, comme le montrait une étude récente de l'Ademe.

Pour en savoir plus : Speaking out of turn: How video conferencing reduces vocal synchrony and collective intelligence

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