La direction des études économiques du Crédit Agricole avait un souci. L'accès aux 40 000 documents mis à disposition sur son intranet n'était guère pratique. Elle a donc décidé, l'année dernière, de se doter d'un moteur de recherche plus évolué. « Notre motivation était double : faciliter la recherche et lui donner de la transversalité », indique Gilles Bonabeau, responsable documentation au pôle information et organisation.
L'interface de recherche n'était pas assez sophistiquée en dépit d'un mode de recherche avancé qui incluait les méta-données. De plus, la recherche n'était pas fédérée : ce n'était pas la même interface qui servait selon la nature des documents indexés. Si la base documentaire est principalement alimentée en documents externes par l'équipe de documentation, elle contient également les notes et les vidéos des économistes de la banque et les rapports des ingénieurs sectoriels. « En remontant différents types d'informations à partir d'une même requête, par exemple sur la conjoncture immobilière, le moteur fait gagner un temps précieux aux utilisateurs », ajoute Gilles Bonabeau.
Parmi la demie-douzaine de logiciels pré-sélectionnés, deux ont fait l'objet d'un pilote pendant un mois. A l'issue de cette phase de tests, pendant laquelle les mêmes scénarios ont été joués en parallèle, le moteur de Polyspot a été retenu. Outre ses qualités techniques et ergonomiques, l'outil lauréat devait être simple à déployer et à maintenir, et tenir dans une enveloppe de 100 000 euros.
Cela paraît surprenant une telle contrainte budgétaire pour une société de la taille du Crédit Agricole, surtout que le projet concerne toutes les entités du groupe. Le responsable de la documentation précise : « C'est un petit projet à l'échelle du groupe, mais un gros projet pour la direction des études économiques qui l'a pris entièrement en charge financièrement. » Le déploiement a été confié au GIE informatique de la banque. Il devait durer un mois. Il a quelque peu débordé, l'intégration ayant nécessité plus de temps que prévu.
Le système est en place depuis bientôt quatre mois. « Polyspot n'a pas changé les habitudes des utilisateurs », note Gilles Bonabeau. Il y a toujours une frange d'utilisateurs qui préfère solliciter la documentation pour ses recherches. En revanche, celle qui s'est appropriée le moteur y a trouvé son compte. C'est ce qui ressort d'une étude téléphonique menée auprès de cinquante utilisateurs, quinze jours après la mise en service. « Les résultats sont très satisfaisants, note Gilles Bonabeau. Quelques utilisateurs se sont même manifestés spontanément pour dire tout le bien qu'ils pensaient du nouveau moteur. » Un bon signe, car habituellement ce sont toujours les mécontents qui se font entendre.
Pour autant, la direction des études économiques aimerait avoir une vision plus complète du niveau d'adoption des fonctions de l'outil. « Nous prévoyons de mener une enquête exhaustive en nous appuyant sur un outil de recueil d'opinons en ligne. Il s'agira, par exemple, de mesurer l'usage du système d'alertes personnalisées », précise Manuel Da Cruz, responsable informatique au pôle information et organisation de la direction des études économiques.
Ce système d'alertes est l'une des grandes améliorations proposées. Une première version avait été mise en place en 2008 à la demande des utilisateurs. Ces derniers étaient prévenus automatiquement par courrier électronique dès la parution d'un nouveau document dans les catégories qu'ils avaient sélectionnées (en fait les méta-données associées aux documents). Seulement ces catégories étaient trop larges et généraient beaucoup de bruit dans les réponses. Désormais, c'est la requête qui est mémorisée.
L'autre grande avancée proposée est la navigation par facettes, qui aide l'utilisateur à naviguer dans un corpus de résultats. « Les notions de concepts que proposent l'outil sont plutôt satisfaisantes », souligne Gilles Bonabeau. Le seul point technique qui l'a fait tiquer est l'auto-complétion, qui ne suggérait pas toujours les mots attendus. L'éditeur a retravaillé son sujet. Le système ne se base plus uniquement sur les dernières requêtes, mais peut s'appuyer sur des expressions du thesaurus les plus couramment employées, les méta-données, l'index... Il est de plus personnalisable en fonction des groupes d'utilisateurs.
Entre le projet Leonard de BNP Paribas et celui du Crédit Agricole, les similitudes sont nombreuses. Les deux visent un même objectif : mettre à disposition des employés de la banque une revue de presse, les résultats d'une veille sur internet et des documents internes. A l'origine des projets, on retrouve les directions des études économiques et les deux responsables de projet – Gilles Bonabeau et Michel Bernardini, de BNP Paribas, qui se connaissent très bien – viennent tous deux de la documentation. Ils ont également fait le choix de Polyspot et se rejoignent aussi sur la méthode : commencer petit avec un budget limité. Mais au final, ce sont deux plates-formes bien différentes qui ont été bâties.
BNP Paribas a parié sur puissance du sémantique pour traiter automatiquement l'information. Le logiciel de Temis vient enrichir les documents produits en interne et ceux qui sont fournis par l'agrégateur de presse et l'outil de veille. Au Crédit Agricole, cette opération se fait manuellement. Ce sont ainsi les assistantes des économistes et des ingénieurs sectoriels qui « taggent » les documents produits en interne. Les documentalistes font la même chose pour les sources externes, en particulier pour la revue de presse.
Aujourd'hui, au Crédit Agricole, il n'y pas d'intégration technique entre l'outil de veille Digimind et la base MysSQL qui stocke les 40 000 documents. L'opération se fait manuellement. « Demain, précise Gilles Bonabeau, on déversera certains axes de recherche automatiquement dans MySQL via des flux RSS. » Avant cela, les veilleurs auront toutefois qualifié l'information. Ainsi, à un même besoin de veille, les deux grands groupes bancaires répondent chacun avec une approche et une organisation différentes.