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Le groupe coopératif agricole vient de lancer la nouvelle version de sa plate-forme d'innovation participative, mise en place il y a un an. « C'est l'un des maillons essentiels d'une démarche globale qui vise à susciter la collaboration à tous les niveaux de l'entreprise », explique Pierre Compère, attaché de direction.

InVivo, c'est en effet quatre grands métiers : Semences et Agrofournitures, Nutrition et Santé animales, Stockage et Marché des grains, Distribution et Services. Des domaines d'activités recouvrant eux-mêmes différentes directions. « Par souci d'efficacité, le fonctionnement était jusque-là scindé par grands process et silos, avec un cloisonnement entre métiers, entre directions d'un même métier, et parfois même entre services de certaines directions, ajoute Pierre Compère. Or l'innovation se trouve aujourd'hui à la frontière de ces silos classiques. Il fallait donc que les collaborateurs d'expertises différentes se rencontrent, travaillent ensemble. »

Des groupes de travail transverses pour cinq grands chantiers métiers

Décidée en mars 2008, au cours d'une première Journée innovation créée par la direction générale, la démarche d'innovation transverse est lancée en septembre de la même année autour de cinq grandes priorités stratégiques métiers, baptisées les Défis InOuï.

« Au-delà de l'innovation, nous avons engagé une véritable démarche de management, visant à mieux impliquer
les collaborateurs dans la stratégie
de l'entreprise. »

Pierre Compère,
attaché de direction, InVivo

« Des groupes de travail ont été constitués pour chacun de ces grands chantiers, qui se décomposent en plusieurs projets », raconte Pierre Compère. Des groupes formés de manière top-down, rassemblant plusieurs dizaines de collaborateurs en fonction de leur expertise, mais aussi de leur intérêt pour la démarche.

Exemple de Défi InOuï : comment mieux intégrer les problématiques du Grenelle de l'environnement. Un sujet transverse aux différentes directions du métier Semences et Agrofourniture (fertilisants, semences, protection phytosanitaire, etc.) avec l'appui d'une récente direction Agriculture durable et Développement. Ou, encore, comment valoriser les savoir-faire professionnels agricoles dans l'activité de distribution grand public du groupe, le réseau de jardinerie Gamm'vert et le réseau de distribution destiné aux espaces verts et collectivité locales, Vert Cité. Une thématique cette fois transverse à plusieurs métiers.

Un dispositif qui implique tous les collaborateurs

A côté de ces chantiers métiers, un sixième est également lancé : le Forum de l'innovation. « Lors de la première Journée innovation, la direction générale avait en effet été interpellée par des collaborateurs souhaitant participer à cette démarche transverse », précise Pierre Compère. C'est avec ce Défi Inouï que la démarche d'innovation devient réellement participative.

Un groupe de travail spécifique est donc constitué. Cadres, non-cadres, collaborateurs de Paris et de région, ses membres se réunissent en ateliers pour plancher sur tous les aspects d'une démarche d'innovation participative : principes, outils, communication, valorisation des participants, conditions de mise en œuvre, notamment dans un groupe où jusqu'à 30 % des employés ne travaillent pas sur un ordinateur.

« L'objectif était d'apporter à tous une meilleure connaissance de la stratégie du groupe, de reconnaître et valoriser les idées qui seraient proposées, et faire ainsi en sorte que les collaborateurs se sentent mieux impliqués dans la marche de l'entreprise », rappelle Pierre Compère, en charge pour la direction générale de la mise en place, avec la direction de la communication, de cette démarche d'innovation participative.

Une plate-forme 2.0 plutôt qu'une solution experte

En matière d'outil, le choix s'est porté sur Feedback2.0, une plate-forme normalement orientée relation client, qui est par exemple utilisée par la SNCF pour son site Opinions & Débats (lire : La SNCF se risque au débat en ligne avec ses usagers). Des éditeurs spécialisés dans l'innovation participative avaient pourtant été aussi rencontrés. « Leurs solutions étaient très intéressantes, avec des fonctions de gestion des idées et de statistiques plus expertes, reconnaît Pierre Compère. Mais nous souhaitions avant tout un outil offrant une ergonomie qui donne envie de déposer des idées, adapté à une large population, très diversifiée. »

Autre avantage de Feedback2.0, la possibilité pour l'administrateur de modifier l'interface facilement, grâce à un système de widgets. « Cela permet une animation plus riche et plus dynamique, sans nécessiter aucune expertise technique, ajoute Pierre Compère. En ajoutant simplement un module sur la page d'accueil, nous pouvons par exemple lancer un appel à idées, en mettre certaines en avant, et donc susciter plus de votes, de commentaires et de partage d'idées. »

Des Relais sur chaque site et un Comité pour répercuter les idées au management

Sur le plan de l'organisation, un réseau de Relais Innovation et un Comité Innovation ont été mis en place avant le lancement de la plate-forme. Leurs grandes missions : informer sur la démarche d'innovation participative, la promouvoir, l'animer, assurer son bon fonctionnement.

Comptant notamment des personnes ayant participé au groupe de travail Forum de l'innovation, les Relais appartiennent à tous les métiers. Au nombre de 65, ils sont répartis sur la quarantaine de sites que comptent les activités impliquées dans la démarche. Dans un premier temps, celle-ci ne s'adresse en effet qu'aux 1760 collaborateurs des métiers historiques d'InVivo en France, hors donc une partie récemment acquise d'InVivo NSA, le pôle Nutrition et Santé animales, notamment ses composantes internationales.

« Pour constituer ce réseau, nous sommes passés par le management. Les Relais sont donc bien entendu des volontaires, mais leur participation a également été validée par leur manager », indique Pierre Compère. Les Relais ont reçu une formation d'une journée à la démarche, et jouent un rôle crucial d'animation et de sensibilisation. Ils accompagnent notamment les collaborateurs dans la formulation de leurs idées, ou les publient pour ceux ne disposant pas de PC professionnel.

Quant au Comité Innovation, sa fonction est double : d'une part, repérer les idées les plus pertinentes et les porter au management ; d'autre part, animer le réseau de Relais. Ses 7 membres sont issus des quatre grands métiers d'InVivo et des fonctions supports. « Leurs profils sont diversifiés à tous les points de vue. Ce sont avant tout des personnes volontaires et dynamiques, et reconnues dans leur métier, précise Pierre Compère. Le fait que j'anime ce comité et sois en même temps rattaché à la direction générale renforce aussi sa légitimité. »

Un premier bilan positif

Lancée lors d'une deuxième Journée innovation, le 3 juillet 2009, la plate-forme participative InVivo InOuï a donc ouvert à l'ensemble des collaborateurs les cinq grands chantiers transverses. Mais son périmètre est plus large : ils peuvent aussi y proposer des idées spontanées dans une rubrique Champs Libre.

Après une année d'existence, le bilan est plutôt positif. Au 17 juin 2010, la plate-forme compte ainsi 698 utilisateurs, soit 40 % de la population visée initialement, et elle reçoit 1 600 visites par mois. 201 idées ont été publiées, parmi lesquelles 85 ont été soumises au management pour études, et 39 ont donné lieu au lancement d'un projet ou été appliquées avec succès.

« Compte tenu de l'absence de culture en termes d'utilisation de forums ou d'outils de discussion au sein de l'entreprise, c'est vrai que notre première crainte était que ce soit un échec, avoue Pierre Compère. Mais il y a eu un travail important de communication, et le fait qu'à l'ouverture il y ait eu un message du directeur général expliquant que l'innovation était l'affaire de tous, et pas seulement de la R&D, du marketing ou des groupes de travail transverses, a stimulé l'adhésion. »

Une dose d'anonymat et une rubrique un peu fourre-tout

Pour favoriser la participation, le choix a été fait de permettre aux collaborateurs de voter de manière anonyme. Ainsi, 80 % des 3640 contributions comptabilisées sur un an sont des votes. « C'est une manière douce de participer, explique Pierre Compère. Elle a permis de lever la crainte que certains auraient pu avoir de s'exposer. »

Mais le mouvement étant aujourd'hui bien enclenché, les votes dans la version 2 d'InVivo InOuï ne sont plus anonymes. Ils apparaissent dans le suivi d'activité des membres de la plate-forme. « Permettre au collaborateur ayant posté une idée de savoir qui a voté pour elle est important, c'est créateur de lien », remarque Pierre Compère.

Si le vote constitue un élément important d'appropriation, il n'a en revanche qu'une valeur indicative dans la sélection d'une idée par le Comité Innovation. En effet, certaines, très techniques, bien que très pertinentes, recueilleront peu de votes. A l'inverse, d'autres très populaires ne seront pas retenues pour des raisons de priorité d'investissement, de stratégie, etc.
 
« Mais il arrive aussi que des idées n'aient pas été repérées a priori par le Comité, et qu'elles le soient finalement grâce à leur popularité, précise Pierre Compère. Dans tous les cas de figures, lorsqu'une idée n'est pas retenue, en expliquer la raison sur la plate-forme est primordial. »

Autre facteur important d'appropriation, le fait de ne pas restreindre les idées à celles correspondant aux cinq grands chantiers transverses. De fait, la majorité des idées sont publiées dans la catégorie Champs libre. « L'on pourrait considérer que c'est un fourre-tout. Et c'est vrai qu'elle contient des propositions très diverses, admet Pierre Compère. Mais en même temps, cela montre que la démarche fonctionne. Que les collaborateurs jouent le jeu de proposer des idées, ce qui est l'objectif. »

Parmi ces idées spontanées, outre des sujets très techniques, l'on trouve ainsi des propositions concernant la vie de l'entreprise. Sur comment mieux travailler ensemble, par exemple, qui a d'ailleurs donné lieu à la mise en place d'un wikipédia InVivo. Ou, encore, sur la nécessité de communiquer vers les parties prenantes sur InVivo et sa vision de l'agriculture, sur la responsabilité sociétale, le développement du mécénat, le transfert de compétences à l'international, etc. « Ce sont des interpellations positives pour la direction d'InVivo », remarque Pierre Compère.

Un facilitateur de rencontres réelles et un outil de management

Au-delà de constituer un dispositif de recueil d'idées, la plate-forme InVivo InOuï remplit en tout cas aussi sa mission d'être un vecteur de transversalité et de rencontres. Elle peut ainsi parfois devenir un lieu de véritables discussions autour d'une idée, entre des collaborateurs issus de services ou métiers différents.

« Mais ce qui est intéressant, remarque Pierre Compère, c'est surtout qu'elle joue un rôle de déclencheur de rencontres réelles. Lorsque deux collaborateurs s'appellent au téléphone suite à une idée postée sur la plate-forme, le pari est gagné. »

De fait, les véritables échanges collaboratifs, de nature à faire évoluer une idée sous un jour nouveau, se passent plutôt hors de la plate-forme. « C'est ce que nous souhaitions, ajoute Pierre Compère. Non pas qu'elle soit un outil de gestion de projet, mais un facilitateur de rencontres. Même si le rôle des animateurs est parfois important pour favoriser ces rencontres, ou pour sensibiliser les managers afin qu'elles aient lieu. »
 
L'un des objectifs est désormais qu'elle devienne pour le management un véritable outil. « C'est surtout les managers qui ont le pouvoir de mettre les idées en avant. L'idéal serait que, demain, ils deviennent de véritables utilisateurs de la plate-forme en venant y chercher les idées déposées par d'autres », conclut Pierre Compère.