Des ratés dans le Social Learning

Vous connaissez peut-être M@gister, c'est la plate-forme de formation continue de l'éducation nationale. Elle est destinée aux personnels enseignants et d'éducation des premier et second degrés. Elle s'intègre dans des dispositifs de formation hybride mais offre également des parcours en auto-formation, pour répondre aux demandes de plus grande liberté en la matière.

Lancée en 2014, elle sert aujourd'hui à former un enseignant du premier degré sur deux et un enseignant du second degré sur cinq, soit 350 000 personnes. Conçue dans une optique de Social Learning, elle intègre notamment des activités dites sociales, au cours desquelles les participants apprennent en interagissant les uns avec les autres, accompagnés par un formateur.

Une possibilité qui n'a malheureusement pas produit tous les effets escomptés, comme en témoignait cette semaine un chef de projet M@gister, lors de la 4e édition du Printemps de la recherche en éducation, organisé par le réseau national des Espé (écoles supérieures du professorat et de l'éducation).

« L'activité sociale peut être considérée comme un frein à la liberté, au souhait de pouvoir se former à son rythme et de décider de sa formation seul, sans préconisation d'un formateur, expliquait-il. Dans les formations longues, l'activité sociale occupe une place importante, mais sur les formations courtes, elle est apparue aux apprenants comme artificielle et contraignante. »

Hormis ce constat, côté apprenants, le bilan des formations hybrides est néanmoins plutôt satisfaisant. Ils se sentent plus impliqués, mieux préparés à la séance de présentiel qui suivra la tâche en ligne, et ils estiment que, sur un temps long, le travail en ligne permet davantage de reflexivité.

Par exemple, sur de la formation de gestion de classe, où il faut analyser l'activité de la classe, les résultats sont meilleurs avec les formations en ligne, qui instaurent une prise de distance, qu'en présentiel, où il est nécessaire de réagir immédiatement et à l'oral.

« Mais il y a aussi et toujours une vraie difficulté, notait le chef de projet, c'est le rapport au numérique. Dès que l'on est sur une plate-forme institutionnelle, ce n'est plus la même liberté. Il y a le poids de la structure, de la hiérarchie. »

Des pratiques collaboratives juvéniles invisibles

Sur ce plan, la situation des enseignants apprenants rejoindrait presque celle de certains de leurs élèves. Maître de conférence à l'Espé de l'académie de Rouen, Anne Cordier rendait ainsi compte d'une étude qu'elle mène sur les pratiques numériques juvéniles.

« Quand on interroge les jeunes, l'on constate que beaucoup ont des pratiques collaboratives en dehors du spectre scolaire, voire même davantage que dans la vraie vie », racontait-elle.

Au cours de son enquête de terrain, elle a notamment rencontré des élèves dont l'enseignant estimait les capacités d'écriture et d'engagement dans cette activité médiocres, alors que de son côté elle découvrait qu'ils utilisaient le réseau social d'écriture Wattpad. Ainsi, l'une des élèves expliquait qu'elle avait amélioré son niveau de langue en écrivant elle-même des histoires et en lisant et commentant les textes des autres.

Autre exemple, cet élève en situation d'échec scolaire, qui inventait de petits scénarios de film avec d'autres utilisateurs sur un forum de jeu, avec tout un processus collaboratif mis en place pour arriver jusqu'à la réalisation du film via un outil vidéo en ligne. Avec pour conséquence, le sentiment de monter en compétences dans le cadre de ce travail collaboratif.

« Le problème, c'est que ce type de pratiques ne se transfert pas, notait Anne Cordier. La situation décomplexée qu'ils connaissent dans ces activités, ils ne la retrouvent pas en classe. Et ils ne le trouvent pas non plus sur l'ENT, dont l'école n'a pas encore su développer la dimension collaborative. Ils perçoivent ainsi l'ENT  comme une chambre d'enregistrement administratif de la vie scolaire, ou simplement comme le moyen de consulter le menu de la cantine. »

 

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